Université d'été n°3: Libertés et esclavages dans le monde atlantique

Université d'été n°3: Libertés et esclavages dans le monde atlantique

 

La bibliographie sur le phénomène de l’esclavage atlantique est aujourd’hui pléthorique. Un projet sur la définition des hiérarchies de couleurs et de ‘races’ ne peut néanmoins faire l’économie de cette thématique. Il est évident que la déportation de millions de captifs africains vers les Amériques constitue le ressort le plus puissant de la racialisation de l’esclavage, aboutissant à la représentation naturalisée selon laquelle tout esclave est noir. Cette équivalence simple cache un processus historique complexe que cet axe voudrait élaborer. Il faut commencer par dénaturaliser la notion d’esclavage, qui voile en réalité des situations très diverses dans le temps et l’espace que les divers spécialistes mobilisés dans notre réseau pourront comparer. C’est pourquoi il faut employer le mot au pluriel. A la diversité des esclavages répond celle des modes de libération et des statuts qu’ils engendrent. Il s’agit ainsi que montrer que l’esclavage ne répond pas à une définition univoque, mais décrit un processus. De même, la sortie de la condition servile aboutit à la constitution de statuts variés qui vont de l’accès plein et entier à la citoyenneté égalitaire (à l’époque contemporaine) jusqu’à certaines situations de minorité qui ne s’identifient plus avec l’esclavage mais en portent le stigmate dans la liberté. La condition d’esclave est certes un statut mais elle est aussi un état qui peut, dans certaines limites et à certaines conditions, être négocié dans les pratiques sociales. Dans cette perspective, on pourra explorer le problème de l’abolitionnisme et ses ambigüités, comme des reprises implicites de formes d’esclavages au XIXe siècle, au-delà de l’abolition légale de l’institution particulière.

 

Les programmes ANR « Afrodescendants et esclavages : domination, identification et héritages dans les Amériques (15ème-21ème siècles) » et européen « Slave Trade, Slavery abolitions and their legacies in european histories and identities » (7e PCRD) ont permis de penser les phénomènes de l’esclavage et de la traite de façon globalisée. Le projet STARACO permettra de questionner la notion de liberté dans les sociétés européennes, africaines et américaines où les esclaves représentaient une minorité importante. Il s’agira d’étudier la centralité de l’esclavage et des autres formes de travail contraint dans des sociétés où il existe une grande graduation de dépendance. La subjectivité et l’évolution de la condition de libre sera interrogée. En Europe elle est étroitement liée aux statuts des affranchis et des libérés dans la société. En péninsule Ibérique, l’intégration réussie des descendants d’esclaves africains influe sur la définition de la naturalité, à savoir la condition des individus nés sur un territoire et les droits qui y sont associés. L’avènement de sociétés multiculturelles conduit à terme à une dissociation entre nationalité et citoyenneté. La ‘pureté’ ou l’‘impureté’ du sang des ancêtres et l’origine non chrétienne du fondateur du lignage s’accompagnent de la mise en place de politiques discriminantes destinées à exclure des droits politiques sur une base juridique et à enfermer dans une condition de dépendant des groupes entiers de la population ibérique. La légitimation d’une sous-citoyenneté par l’impureté du lignage ou l’ascendance non libre des ancêtres construisit de nouvelles identités en relation avec la nation, la race, la couleur, la religion. Nous chercherons donc à penser la relativité de la notion de libre en Europe, en Afrique et aux Amérique. Les libres purent être majoritaires ou minoritaires en fonction des sociétés ; les droits qui y étaient attachés n’étaient pas les mêmes dans les sociétés d’Ancien Régime européennes, dans les sociétés multiethniques africaines ou dans les sociétés coloniales des Amériques. La confrontation des terrains d’enquête des chercheurs qui intègrent le projet STARACO et la convocation de différentes traditions historiographiques permettront de poser la fragilité de la notion de liberté et la multiplicité des formes d’esclavage.

 

Lundi 22 juin
Présidence, Yann Lignereux

 

Bruce Hall, Les rôles des esclaves en tant qu'agents commerciaux dans le fonctionnement de commerce saharien.

Didier Lahon, L’esclavage au Portugalet au Brésil: un continuum sans solution de continuité.

Aderivaldo de Santana, Osifekunde : un informateur yoruba à Paris (1837-1841). Lecture actualisée de Notice sur le pays et le peuple des Yèbous en Afrique de Marie-Armand d’Avezac, publiée en 1845.

Rodrigo Salomón Pérez Hernández, Entre la marginalidad y la apropiación cultural. Elcaso delesclavo mulato Miguelde la Flor. Oaxaca, Nueva España, 1662-1670.

Allan Yvart, Les formes salariales de travail dans les comptoirs du Sénégal(Gorée et Saint-Louis, XVIII e -XIX e siècle).

Tony Perry, Keeping Warm in the Colder Kingdom: Slavery, Climate, and Clothes in Antebellum Maryland.

Valérie de Wulf, Un peuple libéré de l'esclavage dès le début du XVIIIe siècle dans le monde Atlantique : le cas annobonais dans le golfe de Guinée.

Commentaires : Céline Flory et Isabelle Surun

 

Mardi 23 juin
Présidence, Éric Schnakenbourg

 

Manuel Barcia Paz, Soldiers of Allah and Ogun: West African Warfare in Bahia and Cuba, 1807-1844.

Silyane Larcher, D’un différentialisme esssentialiste par-delà l’égalité des citoyens. Pensée d’État et fabrique de la race après l’abolition définitive de l’esclavage aux Antilles françaises.

Christopher Schmidt-Nowara, The Transition from Slavery to Freedom in the Americas.

Alessandro Tuccillo, Pour une histoire transnationale de l’antiesclavagisme au XVIIIe siècle : la réflexion critique des illuministi sur l’esclavage colonial.

Baptiste Biancardini, Penser, repenser la citoyenneté du Directoire à l’Empire : l’esclavage peut-ilêtre dépassé ?

Karim Ghorbal, La polysémie de l’abolitionnisme hispano-cubain au siècle des émancipations.

 

 

Mercredi 24 juin

 

Precious Ighoroje, Slaverie and degrees of freedoms : Ohus and Osus of Eastern Nigeria.

Jonathan Michael Square, Les révoltes contre le regard: un portrait collectif de l’emprisonnement dans la Casa de Correção, 1859-1876.

Erick Sourna Loumtouang,L’administration coloniale et la lutte contre l’esclavage au Cameroun (1884-1960).

Lisa Earl Castillo, Religious hierarchy and relations of dependence in Afro-Brazilian religion : Interstitialspaces between slavery kinship in the nineteenth century.

Commentaires : John Tolan et Elisabeth Cunin

 

Jeudi 25 juin
Présidence, António de Almeida Mendes et Clément Thibaud

 

Patrick Harries, Remembering Slavery and Negotiating Race: the example of South Africa

Catherine Coquery-Vidrovitch, Que signifait être esclave dans les sociétés africaines ?

Jennifer Nelson, Defending freedom: The Children of Liberated African Women.

Magdalena Díaz Hernández, The world after slavery: free browns and mulattoes negotiating the loyalty with the Spanish Empire in colonialVeracruz.

Marcella Hayes, Fathers and Slave Children in Cuba, 1800-1850.

Noel Voltz, “Who owns the fair maid Martha?”: Antebellum Louisiana’s Free Women of Color and their SexualNegotiation for Freedom.

Commentaires :Didier Lahon

 

Vendredi 26 juin
Présidence, Tangi Villerbu

 

Bernard Vincent, Réciprocité de l'esclavage entre les deux rives de la Méditerranée (XVI e -XVII e siècles).

Bernard Salvaing, Hiérarchie des races, esclavage et liberté au XIX e siècle : étude comparée des positions britanniques et françaises.

Mariana Armond Dias Paes, Escravos em condomínio e precarização da liberdade no Brasil(1860-1888).

Sabrina Smith, Slavery, Manumission and Coartación in Eighteenth-Century Antequera.

Myles Ali, Slavery and Resistance in the Abolitionist Colony: Runaway Slaves in Sierra Leone, 1885-1894.

José Benito Garzon Montenegro, Obedecer la costumbre, negociar la obediencia: acciones colectivas contenciosas de los esclavizados en suroccidente de la Nueva Granada,1770-1830.

Khadim Sylla, La dimension éducative du projet « la Route de l’esclave de l’UNESCO » : Enseigner l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage à travers les écoles associées de l’UNESCO pour « briser le silence et l’invisibilité qui couvraient l’histoire de la traite négrière et de l’esclavage ».

Commentaires :Manuel Barcia Paz et Bernard Vincent