Libertés et esclavages dans le monde atlantique (XIVe-XXe siècle)

Le projet STARACO (STAtuts, « RAce » et COuleurs dans le monde atlantique de l’Antiquité à nos jours), financé par la Région Pays de la Loire, organisera sa troisème Université d’été qui se déroulera à Nantes du 22 au 26 juin 2015 sur « Libertés et esclavages dans le monde atlantique (XIVe-XXe s.) ».

Cette semaine d'échanges aura lieu à la MSH Ange Guépin.

Argumentaire

La bibliographie sur le phénomène de l’esclavage atlantique est aujourd’hui pléthorique. Un projet sur la définition des hiérarchies de couleurs et de ‘races’ ne peut néanmoins faire l’économie de cette thématique. Il est évident que la déportation de millions de captifs africains vers les Amériques constitue le ressort le plus puissant de la racialisation de l’esclavage, aboutissant à la représentation naturalisée selon laquelle tout esclave est noir. Cette équivalence simple cache un processus historique complexe que cet axe voudrait élaborer. Il faut commencer par dénaturaliser la notion d’esclavage, qui voile en réalité des situations très diverses dans le temps et l’espace que les divers spécialistes mobilisés dans notre réseau pourront comparer. C’est pourquoi il faut employer le mot au pluriel. A la diversité des esclavages répond celle des modes de libération et des statuts qu’ils engendrent. Il s’agit ainsi que montrer que l’esclavage ne répond pas à une définition univoque, mais décrit un processus. De même, la sortie de la condition servile aboutit à la constitution de statuts variés qui vont de l’accès plein et entier à la citoyenneté égalitaire (à l’époque contemporaine) jusqu’à certaines situations de minorité qui ne s’identifient plus avec l’esclavage mais en portent le stigmate dans la liberté. La condition d’esclave est certes un statut mais elle est aussi un état qui peut, dans certaines limites et à certaines conditions, être négocié dans les pratiques sociales. Dans cette perspective, on pourra explorer le problème de l’abolitionnisme et ses ambigüités, comme des reprises implicites de formes d’esclavages au XIXe siècle, au-delà de l’abolition légale de l’institution particulière.

Les programmes ANR « Afrodescendants et esclavages : domination, identification et héritages dans les Amériques (15ème-21ème siècles) » et européen « Slave Trade, Slavery abolitions and their legacies in european histories and identities » (7e PCRD) ont permis de penser les phénomènes de l’esclavage et de la traite de façon globalisée. Le projet STARACO permettra de questionner la notion de liberté dans les sociétés européennes, africaines et américaines où les esclaves représentaient une minorité importante. Il s’agira d’étudier la centralité de l’esclavage et des autres formes de travail contraint dans des sociétés où il existe une grande graduation de dépendance. La subjectivité et l’évolution de la condition de libre sera interrogée. En Europe elle est étroitement liée aux statuts des affranchis et des libérés dans la société. En péninsule Ibérique, l’intégration réussie des descendants d’esclaves africains influe sur la définition de la naturalité, à savoir la condition des individus nés sur un territoire et les droits qui y sont associés. L’avènement de sociétés multiculturelles conduit à terme à une dissociation entre nationalité et citoyenneté. La ‘pureté’ ou l’‘impureté’ du sang des ancêtres et l’origine non chrétienne du fondateur du lignage s’accompagnent de la mise en place de politiques discriminantes destinées à exclure des droits politiques sur une base juridique et à enfermer dans une condition de dépendant des groupes entiers de la population ibérique. La légitimation d’une sous-citoyenneté par l’impureté du lignage ou l’ascendance non libre des ancêtres construisit de nouvelles identités en relation avec la nation, la race, la couleur, la religion. Nous chercherons donc à penser la relativité de la notion de libre en Europe, en Afrique et aux Amérique. Les libres purent être majoritaires ou minoritaires en fonction des sociétés ; les droits qui y étaient attachés n’étaient pas les mêmes dans les sociétés d’Ancien Régime européennes, dans les sociétés multiethniques africaines ou dans les sociétés coloniales des Amériques. La confrontation des terrains d’enquête des chercheurs qui intègrent le projet STARACO et la convocation de différentes traditions historiographiques permettront de poser la fragilité de la notion de liberté et la multiplicité des formes d’esclavage.

 

Programme :